Cookie Consent byPrivacyPolicies.comLettre aux donneurs de leçons - Eugenol

Lettre aux donneurs de leçons

ORPHAN

18/10/2007 à 18h07

Il était une fois un chirurgien dentiste nommé Gaston. Il était installé dans une assez grosse ville depuis maintenant douze ans.
Gaston avait remarqué une stagnation de ses recettes depuis environ trois ans. En plus avec les nouvelles taxes et autres augmentations de frais, il accusait une petite baisse de bénéfices.
Un matin, en feuilletant le "Cri Dentinaire", cette revue professionnelle que tout le monde connaissait, non pas par la profondeur de ses articles, mais plutôt par tous les renseignements pratiques qu'elle fournissait, donc en feuilletant cette revue, il tomba sur une petite annonce. Un centre dentaire d'une commune voisine recherchait un confrère pour assurer la journée du jeudi. Gaston ne travaillait plus le jeudi depuis que son assistante était passée aux 35 heures. Il avait décidé de le chômer car il ne supportait plus de travailler seul. Il se dit que ça mettrait un peu de beurre dans les épinards. Certes, c'était autrefois un vieux dispensaire miteux qui n'avait pas très bonne réputation, mais il avait été restauré récemment, et le jour de l'inauguration, on avait même eu droit à un discours du maire de la commune (sans étiquette), ainsi qu'à un article dithyrambique dans la gazette locale.

Lorsque Gaston se présenta la semaine suivante au Centre de Santé Léon Carabelli, il fut reçu par la directrice. C'était une jeune femme sèche au visage fermé et à la bouche tellement crispée qu'il ne put jamais apercevoir ses dents pendant tout l'entretien. Gaston aimait bien détailler (en bon professionnel qu'il était) les bouches de ses interlocuteurs. Cette fois il dut se contenter d'admirer la gracile silhouette au galbe si parfait.
Après lui avoir expliqué qu'elle s'était fait une spécialité de restructurer les centres déficitaires qu'elle savait ramener à l'équilibre sinon à l'excédent avec maestria, elle lui présenta les locaux.
Gaston était bluffé. Des équipements apparemment récents, des meubles tous neufs, des murs immaculés qui sentaient encore la peinture. A moins que ce ne fut l'odeur du linoléum rutilant.
Et puis une salle de stérilisation de rêve. Comme on en voit que dans les stands de ce fameux congrès-grand'messe qui regroupe la profession chaque année. Une salle de sté avec des murs transparents car on n'a rien à cacher. Au centre de trois cabinets qu'elle dessert avec ergonomie. Le "propre" séparé du "sale". Aucune commande manuelle, ni de robinet, ni de tiroir, ni de portes de placard. Trois autoclaves alignés au garde à vous, prêts à détruire le moindre prion qui aurait l'audace de se présenter.
Trois assistantes et une secrétaire sont là pour s'occuper de toutes ces basses besognes qui ne sont pas dignes du praticien.
Gaston était tellement hypnotisé par tant de modernité qu'il signa des deux mains le contrat que lui tendait la revêche. Dieu qu'elle est bien roulée ! pensa-t-il, le coeur léger, en quittant les lieux.

Gaston commença le mois suivant. Il retomba rapidement sur les dures réalités de la vie professionnelle. On lui fit comprendre que, comme il était le seul praticien ce jour là, il n'aurait que deux assistantes et une secrétaire. Pensez donc, c'est bien plus qu'à mon cabinet songea Gaston qui était gonflé d'optimisme. Bientôt la plus jeune s'arrêterait pour grossesse pathologique. Il ne la reverra plus.
La troisième ne l'assistera jamais au fauteuil. Elle s'occupe uniquement de la stérilisation et de seconder la secrétaire. Enfin la stérilisation... elle faisait passer les instruments d'un bac à un autre sans jamais les toucher. De crainte de se piquer sans doute.
Et la secrétaire dans tout cela ? Eh bien elle était tellement occupée à "chater" sur internet, l'oreille collée à son téléphone portable, qu'elle ne pouvait pas faire face à autant de travail toute seule. Sans oublier les pauses cigarettes qui faisait disparaître le personnel pendant un temps plus ou moins long à des endroits tellement improbables que personne ne savait où les trouver. Gaston se demandait comment trouver des forfaits de téléphone mobile illimités à bas prix pour compenser le coût des cartouches de cibiches à bouts dorés.

Il se sentait bien seul dans son cabinet. Pourquoi n'avait il pas ouvert davantage les yeux lors de son premier entretien au lieu de mater sa directrice callipyge...
Il aurait alors remarqué que le tuyau de l'aspiration était rafistolé avec du ruban adhésif. Que les fauteuils n'étaient pas si récents avec leurs tubulures craquelées et leur peinture écaillée. Il faut souhaiter que les produits désinfectants modernes passent dans les fissures et les fentes.
Et que dire de la turbine dont le spray est directement dirigé sur ses lunettes.
Il faudra faire avec, il n'y a pas d'autres turbines.

Gaston en était là dans ses constatations quand son attention fut attirée par un bip strident venant de la salle de stérilisation. Il émanait d'un des autoclaves dont l'écran de contrôle affichait le mot "error" avec des diodes luminescentes rouges. L'assitante avertie, arriva en traînant les talons, fort contrariée de devoir abréger sa communication personnelle.
Oh c'est pas grave ! dit elle en ouvrant l'appareil et en rangeant soigneusement les paquets humides dans les placards d'une main, tandis que de l'autre, elle faisait défiler les messages de son portable.
Gaston fut rassuré quant aux compétences du personnel.
Il ouvrit encore quelques tiroirs mais en constatant des traces de sang séché sur les poignées, il était au bord de l'écoeurement.
Gaston posa beaucoup d'eugénates.
Après s'être étonné qu'il n'y ait que trois broches en baïonnette (dont une cassée) dans la boîte à pulpec, la secretaire lui adressa son joli sourire dont l'éclat était mis en relief par les dépôts de tartre et de nicotine : Ah ouais c'est vrai, il faut qu'on fasse une commande !
Gaston comprit à son regard qu'il ne faudrait pas qu'il exagère sur les quantités...
Il essaya bien de plaider sa cause auprès de la directrice mais la "miss monde" au sourire acariâtre leva les sourcils et d'un air las lui annonça que les autres praticiens, eux, ne se plaignaient pas.
Gaston comprit bien vite qu'il est peine perdue de vouloir s'attaquer à une telle institution dont l'organigramme directorial lui paraîssait assez obscur et les aspirations plutôt complexes.
Il se dit qu'il devait y avoir des intérêts qui le dépassaient.
Le soir en rentrant il ressassait toutes les insatisfactions accumulées pendant la journée. Il se demandait bien à quoi servaient tous ces guides de bonnes pratiques ou de recommandations diverses qu'il lisait avec ferveur et intérêt tant il avait à coeur d'améliorer ses pratiques dans son propre cabinet.
Que dire aussi de la conversation qu'il avait eu avec l'éminent président du Conseil Syndical de l'Ordre. Ce brave homme tout en rondeur n'avait de cesse que de minimiser les choses tant il attendait avec impatience, à la fois la retraite toute proche, et les fameuses "Palmes Cuspidiques" que l'on attribue maintenant si rarement.

Assez rapidement, comme il regrettait d'avoir cédé aussi facilement aux sirènes (même bien roulées) des centres de santé et qu'il se dégoûtait chaque jeudi matin en poussant la porte de ce qui était devenu son purgatoire, il finit par donner sa démission.
D'autant que le revenu complémentaire espéré n'était pas mirifique.

Gaston avait feuilleté là-bas une revue professionnelle qu'il ne connaissait pas. Le "Hurlement Pulpaire" était une feuille de chou syndicale et vindicatrice qui pour une modique cotisation était prête à dégommer tout ce qui entrave la vie sereine des praticiens salariés persécutés.
Il y trouva l'annonce d'un grand groupe d'assurances privées recherchant un praticien conseil afin d'améliorer les relations de leur service clientèle. Enfin il allait pouvoir échapper aux contingences et aux bassesses d'une forme d'exercice qu'il ne souhaitait pas.
Enfin le croyait-il, car il ne s'imaginait pas ce qui l'attendait...

A suivre, peut être.

Post Scriptum : toute ressemblance avec des personnages ou des faits existants est purement impossible, puisque cette histoire est totalement inventée, fruit d'une imagination débordante.


docdent

18/10/2007 à 18h32

EXCELLENT...

Ca sent le vécu...


Utilisateur banni

18/10/2007 à 18h57

ORPHAN voyage en enfer...


docdent

18/10/2007 à 19h00

Moi j'ai hâte de lire la suite dans l'assurance privée...


Avatar jt8tlq - Eugenol
bogenom

18/10/2007 à 19h25

Très jolie Histoire
vite la suite !!


Dr - Eugenol
JeRis

18/10/2007 à 21h06

... Ce personnel j'menfoutiste, ce manque de matériel, cette pression au chiffre ... ORPHAN, réveille toi; tout cela n'existe pas en France! C'est un mauvais rêve.

Ah! si croizat pouvait revenir et gérer ce centre!

;)


PS: la directrice a fait installer un système de répondeur/enregistreur pour que les patients puissent être rappelés si l'assistante est occupée au moment ou le téléphone sonne; mais l'assistante de Gaston est tellement flemme qu'elle ne rappelle pas les patients et que la messagerie est saturée.

PS: Gaston demande du matériel alors que les autres prat se débrouillent avec ce qu'ils ont ... Gaston passe pour un con.


Marque a3 orange fyvhyq - Eugenol
Marc Apap

18/10/2007 à 21h50

Bravissimo. Dommage que ce soit un peu long pour une publication. Et puis je trouve qu'il manque une chose capitale : orphan, tu ne parles pas du labo de prothèse situé dans le centre, avec ses techniciens branleurs et incompétents, qui t'obligent à refaire les travaux 3 fois de suite pour obtenir un ajustage et une occlusion corrects, alors que tu es payé au pourcentage.


Dr - Eugenol
JeRis

18/10/2007 à 21h57

... mais non Marc! ... l'ajustage final, si Gaston est consciencieux, il se le fait lui même! Il vaut mieux; c'est moins crevant que de contrer des mauvaises volontés ou des incompétences ... mais tout cela n'existe heureusement pas.


Marque a3 orange fyvhyq - Eugenol
Marc Apap

18/10/2007 à 22h12

C'est vrai : incroyable cette imagination que j'ai !


docdent

18/10/2007 à 22h17

Marc Apap Ecrivait:
-------------------------------------------------------
> C'est vrai : incroyable cette imagination que j'ai
> !


Tu as vraiment l'esprit mal tourné!...
Comment imaginer des personnes non motivées par leur travail dans un centre mutualiste????


Utilisateur banni

18/10/2007 à 22h25

Ca casse en régle, j'ai même pas besoin de m'en charger...


rose

18/10/2007 à 23h01

orphan a peut-être inventé l'histoire,mais je me sens souvent prise dans ce même piège!
que dire!
pour moi,ça reflète la réalité!


Dr - Eugenol
JeRis

18/10/2007 à 23h15

... en tant qu'assistante, faudrait peut-être pas trop la ramener!
Gaston, le pauvre, il en a déjà vu des vertes et des pas mûres avec les assistantes, et ce n'est pas prêt de changer!


Logo vuaztn - Eugenol
mac

18/10/2007 à 23h24

JeRis Ecrivait:
-------------------------------------------------------
> ... en tant qu'assistante, faudrait peut-être pas
> trop la ramener!


c'est pas du tout le style de rose.


Wra300x300 gotue6 - Eugenol
hop

18/10/2007 à 23h24

JeRis Ecrivait:
-------------------------------------------------------
> mais l'assistante
> de Gaston est tellement flemme qu'elle ne rappelle
> pas les patients et que la messagerie est
> saturée.


ah ! c'est pour ça

"Gaston ya l'téléphon qui son et ya jamais person qui répond"..


ameli

18/10/2007 à 23h35

Le nouveau vient d'arriver au centre. Il a un beau piston, moi. Je le connais, il voulait se rapprocher de sa région d'origine, et c'est le seul centre où il y avait une place.
Je le connais, ce centre dentaire, il brille pas par sa compétence, mais le directeur m'a assuré que les temps avaient changé, que tout allait bien maintenant.
Premier jour, formation visiodent. Bien, il y a du progrès, ils s'occupent du personnel désormais. Tous les praticiens et AD on fait la formation en sept 2006.
Deuxième jour, on allume l'ordi, c'est julie. Pas de pot.
Intervention auprès du patron : impossible, y a visiodent sur tous les fauteuils depuis plus d'un an. Impossible n'est pas français.
Recherche de visiodent dans les placards, qu'on finit par trouver... au service informatique. Le service informatique n'a pas eu le temps de l'installer et ne pourra pas avant janvier, et lui seul est habilité à y toucher. Je ne sais pas si une formation sur julie est prévue, en attendant.
Troisième jour : commande de fraises... mais pour quoi faire ? bin, surtout pour tailler... Pouvez-pas faire de mobile, comme les autres, le labo est très fort en mobile...
Quatrième jour : ameli/zorro est allé faire un tour, pour tenter de convaincre qu'on pourrait envisager, peut être, prudemment, sans heurter de front certaines sensibilités, de faire autrement... mais les praticiens me regardent avec encore plus de méfiance que le directeur. C'est pas gagné.


rose

18/10/2007 à 23h42

non,mais moi,ce sont les cds qui me font miroiter un tas de trucs et quand je commence ,je vais de désillusions en désillusions.le sté qui fonctionne mal,pas assez de matériel,pas de gants,ils vont les gants plein de sang dans les tiroirs(voir j'en ai connu une qui ne changeait pas de gants de 8heure à 12heure),des heures sup à n'en pas finir et pas récupérés et vous voulez que je complète la liste...
il y en a un qui avait que des produits périmés depuis au moins deux ans,un autre tous les instruments dans son tiroir étaient plein de pâte à empreinte et de ciment et il travaillait à mi-temps et l'autre mi-temps c'était une dentiste,mais comment font-ils?

bref...ça ne me fait pas vraiment rire!


Wra300x300 gotue6 - Eugenol
hop

18/10/2007 à 23h45

c'est dingue ce pouvoir que tu as à toujours te retrouver avec des cd exceptionnellement pourraves..!
t'es dans un nid ou quoi ?
c'est pour ça que tu ne restes pas et que tu ne trouves pas un cabinet bien, ou il y a autre chose ?


docdent

18/10/2007 à 23h49

Viens bosser chez moi Rose...


rose

19/10/2007 à 00h07

hop,sache qu'une AD ne décide pas et ici,j'en connais aucune qui contribue au travail,elle font bêtement ce qu'on leur demande.
moi,je suis en CDD,j'ai encore moins à dire,mais je suggère quand même, histoire d'éveiller un peu,mais je ne me fais pas d'illusion.c'est peut-être la région ou le coin qui est comme ça!


Wra300x300 gotue6 - Eugenol
hop

19/10/2007 à 00h08

et pourquoi ne passes-tu pas en cdi ??


tatoo

19/10/2007 à 00h14

rose Ecrivait:
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"une AD ne décide pas...

j'en connais aucune qui contribue au travail...

elle font bêtement ce qu'on leur demande..."



j'espère que t'es mignonne au moins ?

:o)



rose

19/10/2007 à 00h18

hop Ecrivait:
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> et pourquoi ne passes-tu pas en cdi ??
je te l'ai déjà dit


Amibien

19/10/2007 à 03h03

Mais finalement qui donne des leçons ?


Mon avatar msn jgkit1 - Eugenol
Ewing

19/10/2007 à 04h14

:)


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