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Le mâle faisan
17/03/2009 à 11h38
Et voilà ! En pelotes que j’ai les nerfs ! Je viens encore de me faire proprement enzober par un indélicat ! Mais atteussion ! Y connaît pas Pal, le mec ! Garanti que ça va camphrer !
Voici les faits :
L’aut’ jour, un individu fait irruption au cabinoche sans crier gare. Enfin….sans crier cabinet. Déjà, le genre d’esbroufeur que je peux pas naser. Ramenard de première, ravi de lui-même. Un trentenaire à pompes pointues, petite veste cintrée, chemise ouverte sur poitrail épilé de frais, la couenne hâlée ( alors qu’on a un temps d’été stable !), la mèche savamment affolée par son diminue-tifs, le sillage odorifique, le sourire en coin triomphant, bref, la méga frime, en dépit d’une trogne de base à faire détaler Dracula.
L’œil séducteur et le sourcil en accent circonflexe, l’indésirable s’approche de notre charmante hôtesse, pose négligemment son porte-clé Porsche sur la banque d’accueil, prend la pose de façon à ostenter sa Breitling et, sur le ton enjoué d’un GO du Club, demande à être reçu ex abrupto.
« Vous comprenez, je viens de me casser une dent juste devant, je ne peux pas rester comme ça ! »
« Je comprends bien, … » lui rétorque-elle, parfaitement formée par mes soins à une communication performante, « …mais nous sommes complètement bourrés. »
« Ah mais je peux attendre ! »
« Ecoutez, je vais demander au docteur. »
« Okay c’est super gentil, oui, okay, d’accord, okay ! »
Et le péteux de se précipiter en salle d’attente sans attendre qu’on l’y invite.
Une demi-heure après, entre deux cas, je hèle le bonisseur.
« Ah écoutez, docteur, c’est super sympa, vous comprenez, je n’ peux pas rester comme ça, je reviens d’Italie, je repars en Espagne, j’arrête pas… »
Ciel, mais quel bouillant aventurier !
« …et hier soir, en mangeant de la langouste, je me suis cassé l’incisive, là. »
De la langouste ! Cette espèce d’alien mayonnaise pour quislapètes et snobinards ! Beurk ! C’est comme l’oursin, ça pose son bourgeois-bohème, mais moi j’en boufferai jamais, on dirait du sida !
La douze, de fait, est pétée nette au collet, et même en dessous, rognée à la base par un carieux processus. A la seule vue du bout de cône de gutta qui pendouille, je déduis que l’organe fut dévitalisé, c’est vous dire le niveau d’expertise auquel je suis parvenu ! La radio montrant un apex étanche, j’entreprends tout de go les travaux de restauration : micropiquouze anesthésio-vasoconstrictrice intra polypaire, tissu-trimmo pulvérisation, ramollo-dentino curetage, foro-alésage, polycarboxylato-ajustage, auto-résino-pivot-rebaso-polissage. Bref, en vingt minutes, le playboy ravi retrouve un sourire hollywoodien, lequel, néanmoins, reste profondément niais.
Dans la foulée, avec tact et mesure, j’établis au gugusse un devis coquet, comprenant la rutilante provisoire tout juste élaborée, ainsi que la future céramique, chapée Zircone s’il vous plait .
« Okay, docteur, je vais me renseigner sur ma mutuelle, mais de toute façon, on va faire ça, le top, okay, y a pas de problème ! »
« C’est ça, renseignez-vous, et si vous êtes… okay, on signera le devis et on prendra les empreintes. »
Rencard est fixé pour dix jours plus tard, à son retour d’Ibérie.
Rencard que notre épateur omet d’honorer.
La procédure s’enclenche, implacable : à un mois, premier rappel, relativement aimable, avec note à zinguer illico. Le fanfaron fat en fait fi. Conséquemment second rappel à deux mois avec menace encore modérée de représailles ( « T‘a ‘aar ta djeule ! Tu vas saigner du pif, pov’ rigolo ! Un conseil, fais l’ plein de kleenex pour faire des mouillettes ! » etc..)
C’est alors que nous recevons une missive manuscrite ô sycophante que visqueuse, dont la teneur de laquelle je vous livre ci-devant la substance :
« Docteur, sauf erreur de ma part dont vous m’excuserez, vous nous facturez cinquante euros une dent provisoire non remboursée. Aussi, veuillez nous faire parvenir une facture séparée avec une copie d’un devis signé de notre part. Dans le cas contraire, nous restons dans l’attente de votre facture pour les soins remboursés et sommes disposés à régulariser dans les plus brefs délais. »
A la lecture de cette torche pour le moins scandalisatoire, je bave et bafouille comme si j’essayais d’ articuler schweps en verlan. Ah l’aigrefin ! Ah le faisan ! Foi de Pal, dussé-je claquer cent fois la somme en honoraires de débarbot, je récupérerai toute la blanquette !
Ma réponse cingle :
« Môssieur,
La signature d’un devis, encore eût-il fallu que vous le sachiasses, ne s’impose qu’avant d’engager des traitements d’un coût élevé. Or votre couronne provisoire, réalisée (magistralement, soit dit en passant) en urgence à votre demande expresse et facturée cinquante malheureux euros ne saurait sérieusement être qualifiée de traitement d’un coût élevé. Par ailleurs, votre mécano, votre fromager et votre merlan vous le confirmeront, tout ce qui n’est pas remboursé par une assurance n’en devient pas ipso facto gratuit. Alors, t’as plutôt intergeot à raquer cash par retour de courrier, toto, j’ai ton adresse ! Veuillez agréer tout l’ bordel…. »
Je le savais pourtant, qu’ avec les pédants, le geste qui sauve, c’est le coup de pompe au derche !
17/03/2009 à 12h12
Clap! Clap! Clap!
C'est tellement vrai...
Thanks.
17/03/2009 à 13h01
Vas-y! Faisan de la bouillie et remets-le dans sa porscherie...
17/03/2009 à 14h07
excellent, délicieuse lecture pour la reprise de l'après-midi. J'espère qu'il a payé:) Il y en a qui se posent pas des questions existentielles sur le réglement de leur soins.
17/03/2009 à 14h16
azerty écrivait:
----------------
> exellent! a quand le cinquieme tome?
à quand un roman ?
la lecture des chroniques est jubilatoire mais fugace
on ne peut pas se contenter d'une seule gorgée d'un grand vin !
17/03/2009 à 14h40
Je pense faire comme ce charmant môssieur : un devis avant chaque paiement : pour le coiffeur par exemple avec nombre ce cm de coupe. s'il dépasse de 1 cm, je paye pas, faut pas déconner quand même...!
Y'en à vraiment qui ne doute de rien... et surtout pas d'eux même!
Vas y PAL, on est tous avec toi, fait le cracher ce Co..ard!
avec des intérêts!
17/03/2009 à 15h18
toujours aussi bon , toujours aussi vrai , te laisse pas pas faire Pal , colles-y-un huissier au derche , f'ra moins son danseur de tango !
17/03/2009 à 18h51
>
> Vas y PAL, on est tous avec toi, fait le cracher ce Co..ard!
> avec des intérêts!
PAL
Si t'es pas loin du 06 je viens avec toi le voir
un soir ce connard !
continue ; quel bonheur !
18/03/2009 à 01h05
...mais pourquoi les gens quittent sans payer ?
J'ai déjà dis à un patient que je faisais venir les flics, ayant un voleur dans mon cabinet...la secrétaire a prit le téléphone ...et le type a payé très vite !
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Céramik
18/03/2009 à 16h19
Merci pour ce moment de rire dans cette période bien chiche en poilade.
Pour tout ce qui est acte d'exécution immédiate, la paranoïa me fait signer un devis avant que le patient ne s'asseye.