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Les vioques
11/05/2010 à 18h00
Si y a un truc qui m’énerve, c’est bien d’avoir un mec dans le dos !
Non, c’est pas que j’ soye homophobe, encore que ! Mais quand je trime, je ne supporte pas qu’on mate le chantier par dessus mon épaule. Ni qu’on se balade dans tout le cabinet. D’abord, y a l’opéré qui suit l’autre des yeux, et ça me perturbe le champ opératoire, c’est comme quand on sent confusément qu’il vous fixe direct dans les mirettes. Et puis, si jamais le voyeur aperçoit une goutte de sang, il tire une tronche horrifiée, et l’autre va s’imaginer que je le saigne comme un porc. Le risque n’est pas nul d’une brusque rotation perpendiculoïde de la partie têtale, avec pénétration jugale du tranchant carbure de tungstène à pleine gomme, arrachage-projection hélicoïdale d’un paquet de téguments, du trijumal et de l’artère faciale, hémorragie cataclysmique et détérioration générale des papiers peints. Merci !
C’est pour ça qu’en général, je me démerde pour bloquer en salle d’attente l’accompagnant, avec son Gala déchiré de juillet 87.
Mais aujourd’hui, impossible de désagglomérer ces deux-là ! Depuis soixante balais qu’ils sont mariés, ils ne sont jamais à plus d’un mètre cinquante l’un de l’autre. Ils doivent aller aux goinces ensemble, c’est pas possible !
Lui, c’est le p’tit chose, mi-portion, courte-botte. Ne dépassant pas trois coudées au garrot, c’est un rat, ni plus ni moins, bout gris, qui marmonne de temps en temps un baragoin comme s’il mâchouinait de la bouillie avec les gencives. On n’y comprend que dalle, mais tout le monde s’en fout. C’est Madame qui cause. Tout le temps, sans arrêt. Pour dire des conneries, de préférence. Maquillée à la truelle, teinturée au goudron, elle dépasse son nabot de deux têtes. J’ai à peine entrouvert la salle d’attente qu’elle ouvre déjà son gicleur :
- « Ah bonjour Docteur, c’est pour Robert, c’est sûrement trois fois rien, dites donc, pas chaud, ce matin, c’est en mangeant une croûte de pain, et pi ça lui pique la langue, déjà qu’il a la gastro, remarquez, c’est un temps d’ saison… »
Stoooop ! Coupez !
- « C’est au fond, on va voir ça, allez, allez ! ».
La gâpette à la main, le micro-chétif bredouille mezzo en passant devant moi et trotte menu vers le cabinet, tandis que la matrone le suit en blablatant dans tous les sens :
- « C’est sûrement trois fois rien, dites-donc, elles ont poussé, vos plantes, avance Robert… »
- « Voilà, asseyez-vous. Alors, Monsieur, quel est le problème ? »
Elle :
- « Eh bien, j’avais acheté du fromage, vous savez, du conté, c’est bon, le conté, et pi je sais ni pour qui ni pourquoi, Robert a du croquer trop fort dans le quignon d’ pain, et il a perdu un p’ tit bout, vous allez voir, c’est sûrement trois fois rien. »
Et Robert le portatif d’opiner du chef avec son sourire nigaud.
J’envoie le pygmée escalader l’Anthos, je bascule la têtière qui ne sert à rien vu qu’il a la noix au milieu du dossier, et je monte le tout au dernier étage.
- « Ouvre donc la bouche, Robert ! » .
Mais elle va se taire, la morue ?
Bon alors, c’est où ? Evidemment ! Tout au fond, en haut, derrière ! Ça va être simple !
Je me marre sous masque en imaginant un ponte coller une digue à ce microbe, on ne verrait plus que ses pompes (du 32 fillette) !
- « Alors, Docteur, c’est trois fois rien ? »
Ouais, bof ! C’est trois fois chiant, plutôt ! J’aperçois une balèze de caverne en distal de 27, le patienticule ouvre rikiki et il bouffe plus d’anticoagulants que de vermicelle. Pas question de déraciner le chicot d’office, ce serait de l’euthanasie !
Pendant que j’essaie d’élucubrer cérébralement un plan de traitement idoine, face à Bobby-rase-motte, tout figé, la mandibule au daoun et le regard fixe (Je suis d’ailleurs à moitié tracassin : il serait bien cap d’avaler ici son extrait de naissance !), la virago me bombarde dans le dos de questions à la con :
- « Vous allez la plomber ? Y aura pas besoin d’ rev’ nir ? Faudra pas qu’y mange ?… »
Assistante ! Claquez le beignet à la poissarde ou j’extermine tout le monde !!!
Le gnome ne douillant point (ni au froid, ni au chaud, ni au sucré, ni au moutardé, ni à la pression, ni à la percussion, ni à la roto-vestibulo-traction), le fond du gouffre étant réactionnel sous le reste de conté, bref, les choses étant ce qu’elles sont, je conviens avec moi-même de ne faire chier ni le patient (qui a déjà la déripette, ne l’oublions pas !), ni surtout mézigue. Je vais la jouer brousse, avec mon nouveau Fuji à pompe. Paraît que ça adhère à tout. De toute façon, avec un goulot de nain pareil, y’a pas mèche de lui fourrer de l’outillage au fond de la gobeuse !
Le temps de coffrer à l’Apis, de vibrer la compulette et de bétonner l’excavation, soit 4 minutes 10 chrono, l’autre pipelette m’a beurré la raie avec les horaires de bus, les embouteillages, le programme de son réveillon, l’eau qu’a goût de calcaire, et pi y ‘a pu d’ saisons, et pi y’a pas grand monde dans les magasins et pi les gens ont pu d’ sous, et bla bla bla… On pourrait tous se tauper en douce qu’elle continuerait à jabouiner toute seule jusqu’au lendemain!
En voyant varapper l’avorton du fauteuil, je m’émeus : pauvre poulpiquet sans défense ! Ah vérole, si ma bourgeoise tournait jacasse comme ça, je serais bien content d’avoir gardé un fond d’arsénieux !
- « Bon, eh bien, c’était trois fois rien, bonne année, la sortie c’est par là »
- « Allez, viens Robert, mets ta casquette, fermes ton manteau, y fait frisquet, et patati… »
J’ai parfois l’impression d’être un azbinne ! N’aurais-je pas dû allonger le minuscule sous le microscope et lui titaner sous digue les quatre canaux calcifiés ? C’est sûrement ce qu’aurait fait l’élite de la profession !
Ouais… Faut bien l’admettre, y a l’élite, puis y a Pal !
11/05/2010 à 18h41
flyer. écrivait:
----------------
> en tout cas merci, ça fait du bien de se marrer en te lisant ...;)
+1000
excellent, PAL
reste à espérer que l'avorton n'ai pas internet.....
--
xbk
11/05/2010 à 18h57
Un beau cas clinique, rondement mené par l'élite de la narration.
11/05/2010 à 19h15
UN GRAND MERCI pal !
HA MERDE J'AI INVERSE LES MAJUSCULES
11/05/2010 à 19h27
PAL écrivait:
> l’accompagnant, avec son Gala déchiré de juillet 87.
Débarrasse toi de ce truc sans le toucher directement , déjà le journal du jour c'est dégueu. mais là tu frises la correctionnelle , il doit y avoir des crobes qu'on ne connait pas encore .
Sinon , bravo pour ton récit , ça sent le vécu...l'Ôthentique , un régal !
11/05/2010 à 20h09
C'est fait (les livres, fortune je sais pas!)
Le fuji à pompe façon brousse lol
11/05/2010 à 20h11
"Tu devrais écrire des livres, tu ferais fortune."
On arrête pas d'y dire !
on a même créé un site pour lui
www.omnidentiste.com
11/05/2010 à 20h16
"Je me marre sous masque en imaginant un ponte coller une digue à ce microbe, on ne verrait plus que ses pompes (du 32 fillette) !"
Hé, hé!Très bon!
:))
11/05/2010 à 20h19
Bon d'abord on arrose une journée d'implanto et après on attend Dieu , pardon Pépélaratiche .lol
11/05/2010 à 21h41
alapex écrivait:
----------------
> pardon Pépélaratiche .lol
'tain ! j'aurais dû m'en douter ;-)) dis-lui bien le bonjour et de ne pas abuser du whisky qu'il aime tant ! ;-))
11/05/2010 à 22h07
Bravo +++++++++++++++ et merci de m'avoir fait rire, j'en avais besoin !!! Tu as un vrai talent , j'attends ton prochain post!
11/05/2010 à 22h36
hop écrivait:
-------------
> alapex écrivait:
> ----------------
> > pardon Pépélaratiche .lol
>
> 'tain ! j'aurais dû m'en douter ;-)) dis-lui bien le bonjour et de ne pas abuser
> du whisky qu'il aime tant ! ;-))
C'est le champagne en fait...
T'as vu mes coupes chinoises avec led incorporé ?
11/05/2010 à 23h27
bonsoir
merçi Pal pour ton texte ,plein d'humour et finement observé ça fait du bien de rire et en meme temps cela me rappelle des situations vécues.....
amitiés