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L'aristo crade
17/06/2015 à 15h01
« Assistante, s’il vous plait ! Pourrions-nous un brin briefer ?
Dites-moi, Arlette… Loin de moi l’idée de nourrir hâtivement le moindre soupçon d’étourderie à votre endroit, (il n’est pas impérieux, donc, d’alerter votre syndicat) mais n’y aurait-il pas, en la présente circonstance, une sorte de petit erratum, une anodine coquille, un véniel impair, par ailleurs totalement indépendant de vos exceptionnelles qualités professionnelles ?
Car je vois ici indiqué : « patient bénéficiant de la CMU », alors que le patronyme du dit-patient, dites-moi si je m’abuse, serait Louis-Marie de Bony du Pin de la Salle? »
Ah non ? Y a pas mastic ? Bigre, le gentilhomme en question a dû choir de son trône, et le voilà dégringolé dans le quart monde du tiers état ! Pauvre France, ta noblesse s’affaisse !
Palsambleu ! Il a beau être dûment blasonné, on est loin du fringant Seigneur que devait être son ancêtre, pomponné et empanaché de plumes, portant grand manteau brillant d’or et de pierreries ! J’ai devant mézigue un pouilleux, déguenillé et hirsute !
Sire, c’est à vous !
Le type est p’ tête bien né, mais il est mal mis, et même franchement dégueu : il a le bénard bouseux jusqu’aux genoux, et on peut lire sur ses nippes défraîchies l’intégrale des menus de la semaine passée. Y avait du céleri rémoulade, c’est moi qui vous le dis !
Juste avant de me tendre la louche, le breneux défouille un tire-jus, en lin craspec et cartonné, et se mouche le groin avec force boucan morvoïde. Berk !
Traversant le couloir en traînant les paturons, le dos voûté et bas du bocal, l’infortuné déchu commence à me faire à moitié pitié. Pour avoir chu si bas, me dis-je en moi-même, il a dû s’en morfler, des parpaings ! Ah, chienne de vie !
Affalé sur sa chaise, il me jette un lorgnard de cocker cafardeux et se lamente :
« Vous allez avoir du boulot ! »
C’est pas pour me vanter, mais je m’en gaffais, vu l’effondrement de l’étage inférieur : il se bouffe le pif en jactant.
« Mais encore, Majesté ? »
« Et bien voilà, j’ai eu de très gros problèmes, avec le fisc d’abord, … »
« Ah les pourris ! »
« …à qui le dites-vous ! »
« Eh bin, à vous ! »
« …donc avec le fisc, puis avec ma femme.. »
« Ah la garce !!! »
« … enfin avec ma santé, dépression, infarctus… Bref, je me suis laissé aller pendant des années, et ma bouche est dans un état lamentable. Il y a tout à refaire, mais je suis aujourd’hui vraiment décidé. »
« Fort bien ! Établissons un premier bilan clinique, si vous le voulez bien. C’est par ici, M’sieur l’ Vicomte, après vous, pââârdon ! »
A peine béante la noble margoule, je confirme mon premier diagnostic : y avait bien du céleri rémoulade !
C’est normal qu’il clape comme un clébard et que la mangeaille lui tombe des babines : buccalement, tout n’est que dévastation, ruines et vestiges, sans doute comme le châtiau de la dynastie. On se dirige tout droit vers un chantier de rénovation classique : élimination des gravats, démoussage complet, soutènement des porteurs, rhabillages par structures métalliques et résineuses…
Reste à expliquer diplomatiquement le topo à Louis-la-dèche.
« Considérons ensemble, s’il vous plait, ce cliché numérico- orthopantomographique. Que voyons-nous ? Tout d’abord, je… »
« Faut faire au mieux, docteur. »
« … heu oui, bien entendu, Altesse. Or donc, grâce à la Couverture Masticatoire Ultrabasique dont vous bénéficiez, nous allons pouvoir… »
« Je voulais dire, faites ce qu’il y a de mieux, quel que soit le prix à payer. »
« Comment ? Mais, je vrzmssrk… comprends pas ! »
« Et bien dites-moi ce que je devrai payer de ma poche, et ne vous inquiétez pas pour le financement, je règlerai d’avance, en espèces. »
« Tope-là, Louison ! Tu me laisses deux jours de gamberge et j’ te cloque un devis de chez peaufiné, taxes, commissions, pourliche et service compris, pour un clavier intégral rutilant, toutes z’options et top privilège ! Hé, surtout, t’oublies pas de ramener les liasses de talbins et la ferraille la prochaine fois, hein ! »
Allô, chérie, fais péter la roteuse, j’ t’expliquerai !
Ah ça, c’est bien les aristos ! Pour berlurer la sécu et le fisc, ça se déguise en cloche, mais le grisbi est toujours planqué sous le matelas !
A la première dentectomie, j’ai eu comme un doute : était-t-y vraiment noble ? Il saignait même pas bleu !
17/06/2015 à 15h55
Merci PAL , bonnes vacances d'été à toi
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" La charte nous protège "
Catherine mojaisky
17/06/2015 à 15h56
Aaaaaaaaahhhhhhhhhhhh !
Te revoilà enfin mon Pal mon rayon de soleil de la journée !
Milles merci !
17/06/2015 à 16h32
ce serait pas Xavier Dupont de Ligonnès ton aristo ? il est de ta région nan ?!
17/06/2015 à 17h47
PAL écrivait:
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> . Or donc, grâce à la Couverture Masticatoire
> Ultrabasique
Excellent La CMU !!
17/06/2015 à 22h56
« Ah les pourris ! »
« …à qui le dites-vous ! »
« Eh bin, à vous ! »
:))))))))))))))))))))))))
18/06/2015 à 11h47
Très drôle, vraiment bien écrit. Tu as un talent certain. Ça fait plaisir de sortir l'espace de quelques instants de la médiocrité ambiante.
Merci.
18/06/2015 à 12h35
aaaahhh
ca fait tellement plaisir!
mais ou étais tu passé? ca fait un bail qu'on t'attendait!
merci pour ce bon post