Cookie Consent byPrivacyPolicies.comCas rosse - Eugenol

Cas rosse

PAL

06/12/2012 à 11h35

Mais qu’est-ce que j’ai fait à Lucifer ?

A mon âge, je n’ai plus qu’une ambition ; gérer peinard la denture standard de quidams ordinaires et foutre le camp en ouikende le plus tôt possible sans une once de stress. Et ben non ! Y faut toujours que je me cogne des originaux et des prises de tronche !
Ce cas-ci est un cas rosse, comme trop de cas le sont. Je l’avais subodoré rien qu’en repérant son nom sur l’agenda : Geurth Helmut (* secret professionnel oblige, nous l’appellerons Herr 16 TS) ! Franchement, a-t-on idée d’affubler un nouveau-né de trois kilos deux d’un préblaze guttural de retraité gestapiste ventripotent ? Au lieu de l’appeler Arsène, Roger ou Raymond, comme tout le monde ! Il serait teuton que ça ne m’étonnerait qu’à moitié, me dis-je en moi-même, et si que oui, je suis pas clair !
J’avais bien enduré, il y a quelques décennies, des cours de chleuh à l’école, mais qu’en ai-je retenu ? Pas grand-chose : Ya, sehr schön, achtung, ich liebe dich, wollen sie mit mir schlaffen, Volkswagen, arschlor, raouss... et Blaupunkt. Ça risque de faire short pour exposer mon plan global au patient.
Ou qu’il crèche, l’occupant ? En cambrousse, à Triffouillis-les-oies ! Le mec fait cent bornes aller-retour avec sa Mercedes coupée pour venir chez moi ! Et dire qu’autour de son blockhaus, y a plein de jeunots qu’auraient besoin de plus de taf pour financer ma retraite !
Fort d’une certaine culture, je m’attendais à un grand blond tout raide, coiffé razibus en brosse, la tronche parallélépipédique rectangle, les yeux bleus enfoncés, féroces et perçants, un fouet dans le dos et une saucisse dépassant de la poche. Tout faux !
En ouvrant la lourde de la salle d’attente, je tombe sur un vieux beatnik décrépi. Rien qu’à prononcer son nom, «  M’sieur Geurth », j’ai l’impression de gerber. L’autre se déplie de la carcasse en aboyant « yâ ! », et commence par m’humilier en me dépassant de deux têtes. M’énerve déjà, le germain !
Il a vraiment une trogne à beugler du heavy-métal ! L’épaisse tignasse de hard-rocker a fait place à une vieille filasse grisâtre qui lui tombe sur les épaules et s’envole à la poussée propulsive de chaque enjambée qu’il chaloupe comme s’il se balançait derrière un pied de micro. Il a toute la panoplie : breloques et bagouses en fer blanc, zoublon de cuir clouté, ceinture type cartouchière, vieux jean délavé sur santiags en simili croco.
Plutôt que de lui balancer «  Bess tagen Bert keuschtât », pur yaourt qui ne saurait tromper un germanophile de base, je l’invite à se cuter direct sous les lights.
« Prôblém ? » tenté-je avec un fort accent frisé.
« Yâ ! » fait-il en se fourrant les doigts dans la mâcheuse pour me démontrer la mobilité vacillatoire d’un vieux stellite « du haut ». J’attrape la ferraille et y jette un œil expert. Scheiss, alors ! Qu’est-ce que c’est que ce binz ? Deux crochetons sur les dents de douze ans (qui en ont maintenant quarante quatre de plus), tout le reste en vieille résine recuite jusqu’au marron craquelé. Ouvre le four, boche ! Ça alors, il reste une 11 ultra baladeuse taillée de dépouille, recouverte d’une chape en or jaune, laquelle se fait téléscoper par une surchape - du même métal- résino-intégrée à la dent stellitaire du même numéro. Baroque ‘n roll, non ?

Dans mon cerveau d’odontologistologue éminent, c’est l’ébullition, et en un éclair, deux zoptions thérapeutiques se dégagent :
EINS : Après l’inévitable chicotectomie intégrale, nous pouvons proposer au fritz d’y planter intra-osseux six à huit chevilles titane pour lui céramo-bridger le broyeur.
ZWEI : On se rabat vers le berlingot intégral classique rose bonbon, mobile certes, mais économique et toujours sexy au fond d’un verre.
Hélas, pour l’option forage, y’a pas mèche : le barbare n’a pas un kopeck, et il grille trois paquets de sèches par jour.
Quant au râtelier complet à effet venturi, macache là aussi : le mec est le Kaiser du réflexe nauséo-gerbeux. Rien que d’ouvrir le bec de deux centimètres, il se met à dégobiller tripes et boyaux les yeux révulsés !

Comme il ne faut jamais laisser un patient sans solution, j’ y ai filé la recette de la purée.

Allez, ail et fines herbes, Hans !


Blocperso talon jer3sl - Eugenol
mrquentin

13/12/2013 à 13h16

comment ai-je fait pour le laisser passer celui là!
m'a bien fait rire ton "la saucisse qui dépasse de la poche"
la fin m'a fait penser à un patient qui vomissait dès que j'approchait l'aspi de sa bouche... et il vommissait pas à moitié!


santon

13/12/2013 à 13h45

petit cas, petit succès
à peine 1 réponse !


Image001 e0kg9q - Eugenol
clemsdent

13/12/2013 à 13h55

BRAVO!


Dsc01433 2 qnf68y - Eugenol
Ramasoft

13/12/2013 à 14h22

arh, fou vaites dé la gerbadovobie bribaire ...

Che fé le sidialer aux bodéradeurs.


Images jm2g2g - Eugenol
dr_0le

13/12/2013 à 14h22

j'adore ta prose PAl..
n'as tu jamais songé a écrire un recueil de petits tracas quotidiens de l'odontologiste de base?


Gaudi parc guell lezard  ntokms - Eugenol
lezard

13/12/2013 à 14h57

C'est déjà fait on doit être au tome 5 ou 6, y'a même un site où on trouve tous les ouvrages, faut que je cherche un peu

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« Dieu se rit des hommes qui chérissent les causes dont ils déplorent les effets. » Bossuet.


Gaudi parc guell lezard  ntokms - Eugenol
lezard

13/12/2013 à 14h59

C'est là : http://www.omnidentiste.com/



colza2

13/12/2013 à 15h02

trop tard........


145 kssowa - Eugenol
Chicot30

13/12/2013 à 15h50

Merci.... j'ai encore ri !

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"C'est parce que la vitesse de la lumière est supérieure à celle du son que certains paraissent brillants avant d'avoir l'air cons."


F e01w igu3rl - Eugenol
roumette

13/12/2013 à 16h34


http://www.autriche-tyrol-vomperberg.info/recettes/speck-knoedel.html


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casa

19/02/2014 à 14h18

Toujours aussi bon Pal , j'avais oublié !