Cookie Consent byPrivacyPolicies.comFaut être sec! - Eugenol

Faut être sec!

PAL

19/06/2015 à 13h55

Si y a un truc à retenir en matière de gestion de clientèle, c’est qu’y faut être sec, sinon on se fait bouffer jusqu’au trognon.
C’est l’expérience qui cause. Moi, maintenant, quand je tombe sur un outrecuidant, je lui fait biter rapidos que c’est pas à un vieux singe qu’on apprend à tomber de la dernière pluie !

Illustration : Marrad, vingt deux balais, se présente comme un petit râblé à coup de taureau, le tif noir, ras et dru façon moquette grand passage.
Sur les douze derniers rencards qu’on lui a filés, il a en loupé neuf ! Il a du fion que toute la smala soit dans le fichier, sans quoi on l’aurait lourdé depuis belle lurette.

Et pourtant, ouvrons une parenthèse, la smala, faut s’ la coltiner, c’est pas d’ la tarte ! Le vieux, par exemple, c’est Morrrramed, le pire casse-roupettes de l’hémisphère Nord. Vu que (enfin, attendu que) il est aveugle d’un œil et non-voyant de l’autre, il déboule n’importe quand, sans prévenir, escorté par la première mémère au grand cœur qui aura repéré le mistouflard brandillant sa canne blanche au milieu du carrefour. On se retrouve avec le boulet planté au milieu du couloir, flanquant des coups de canne dans les murs et le mobilier. Toujours soucieux de ne pas déranger, il se fout aussitôt à postillonner haut et fort des tirades imbitables, sans points ni virgules, dans une sorte d’espèce de genre de dialecte franco-bédoin.
Les premières fois, on avait bien essayé de le blackbouler en douceur sous prétexte qu’on n’avait pas le temps, mais gaffe ! C’est qu’il est pas à prendre avec du pain sec ! A chaque velléité, on a eu droit à un sacré schproum, avec vociférations et procès en bicophobie jusqu’à ce qu’on canne ! Comme, en prime, il embaume un mix de jus de kébab et de chaussette de marathonien, nous n’avons finalement d’autre option que de mettre en œuvre, toutes affaires cessantes, le traitement d’urgence triphasé suivant :
Un : tout en le noyant d’amabilités pour ne pas le laisser en placer une, je l’empoigne fissa par la manche et le plante sur la première chaise.
Deux : je fais mine de lui zieuter dans la boulotteuse et lui assure que tout baigne.
Trois : je lui refile un échantillon quelconque. A ce moment-là, il est tellement jouass que je n’ai plus qu’à le pousser dans l’ascenseur et appuyer sur le bouton eject.
Je ne sais pas si vous savourez tout le fignolé de la manœuvre, mais maintenant que je suis rôdé, le tout ne dure pas cinq broquilles.

Mais fermons la parenthèse et revenons, si vous le voulez bien, au cas Marrad dont je vous entretiendais ci plus haut.

L’autre jour, le zig déboule inopinément en fin d’aprème, comme de juste en plein coup de bourre, tirant pour nous apitoyer une tronche de mendigot cafardeux à faire sangloter un néonazi.
« Chtrô mal, chpeux pô t’nir, fô m’ souagner ! »
En dépit d’une extrême envie de l’envoyer loufer, vu son pedigree, l’assistante se décarcasse à lui dégotter un petit créneau le surlendemain, et lui propose même quelque médication anti-douillage en attendant. Macache ! L’autre insiste lourdement :
« Meunon, j’ peux pô prendre de câchets, c’est l’ ramadan ! Faut m’ souagner maint’nant, c’est pour ça que chui v’nu ! »
Y a pas à tortiller, c’est bien le fils de son père, ce pignouf !
Pour m’épargner un coup de sang aussi vain que délétère, je consens malgré tout à lui inspecter vite fait la grotte, histoire de repérer quoi qui n’y a. En un éclair, je pointe 34, cavitée et posée sur une pêche pourrie, complètement morticrosée.
« C’est quoi, ce pansement ? »
« Ben c’est passque t’étais en vââcances, j’té obligé d’ voâr une aut’ deentiste. »
D’accord ! C’est pas de ma faute, mais pas loin ! Bon allez ça va ! D’un seul coup de fraise, pichsssss, j’envoie tout voler, le cavit et la boulette de coton faisandée sous-jacente. Puis, admirable conscience professionnelle, j’y passe un coup de goupillon javellisé dans le bouillon de culture et lui délivre l’antibio idoine.
« Mais j’ peux pô prendre les câchets, c’est l’ râmâdan ! »
« Tu fais comme tu veux, mahométan… pis pour toi si tu continues à boursoufler de la tronche ! »
Au moment où l’assistante réclame carte vitale et attestation de CMU, le sarrasin reprend son air contrit :
« J’ l’ai pô pris, M’dame, j’avais trop mâl, M’dame, mais promis, sûr-sûr, j’ l’apporte lundi, M’dame ! »

Deux jours après, l’assistante m’informe que le trouduc est arrivé, mais qu’il n’a toujours pas ses justifs! Aaaahhh, alors là ! J’ai l’ harissa qui me monte instantanément des arpions aux portugaises. Je déboule à grandes enjambées dans le sas d’attente, bien décidé à lui retarer les soupapes. Et là que trouve-je ? Le foutriquet vautré dans la chauffeuse, le portable sur l’esgourde, hilare, en train de se bidonner bruyamment avec un de ses potes ! Chais pas ce qui me retient d’y balancer deux talmouses en travers de la chetron !
« Bon, y parait que t’as encore pas tes docus ? Alors on fait que dalle aujourd’hui, à moins que tu raques la note cash ! » fulminé-je.
Pensez-vous que ce wisigoth s’aplatirait et se confondrait en exquises excuses ?
« Ouaaah c’est pô grave ! » se marre t-il, « j’ les ramène la prôchaine fois ! »
« Ecoute, minus, tu te radines ici quand ça te branche, tu zingues rien, t’amène pas tes fafs et en plus, ça te fait poiler ! Tu m’ prends pour un loufiat, ou quoi ? »
« Oaaah non ! » rigole t-il encore comme si je plaisantais, « mais j’y ai pas pensé, c’est pô grave ! »
« Et ben on pensera à ta ratiche quand tu penseras à tes papelards ! Salut ! »
« Ouaaah M’sieur, tchi m’ souagnes normâââlment ! Ma parôle que j’ râmène l’ pâpier d’main mâtin, à neuf heures, sûr, pas d’ prôblème, j’te l’ jure ! »
Ce bouffon, acteur-né, a repris en une fraction de seconde sa face de colique. Il me fixe avec le regard implorant d’un Golden neurasthénique, et je sens qu’il est déjà prêt à se jeter à genoux en poussant de déchirants couinements de détresse si je ne cale pas.
Alors Pal, indécrottable chrétien, cède à la miséricorde : « Bon, je te donne une dernière chance. Je m’occupe de ton chicot, mais atteussion ! Si jamais on ne te voit pas demain matin à neuf heures pétantes avec ta carte et ton attestation, ou si tu loupes encore un rembo sans préviendre, tu te chercheras un autre dentiste. T’as capté ? »
« Ouaaah pas d’ prôblème ! Neuf heures, chuis lâ, M’sieur, tu peux être sûr ! »

Je vous le donne, Émile: il est pas venu !

Le prochain coup, c’est clair, je le jarte. Parce que…. qu’on me prenne pour un con une fois, d’accord. Deux fois, j’ veux bien. Trois fois, à la rigueur. Quatre fois, admettons. Cinq fois, à la limite. Six fois…..


RépondreCiter
doc.yoyo

19/06/2015 à 14h32

C'est du vrai Audiard !!!!
(pour la petite histoire chez moi 2 RDV manqués et c'est la porte !
je te trouve bien patient)


ADzif

19/06/2015 à 14h38

On a les mêmes à la maison!
Bravo encore pour ton humour et ton écriture, un vrai plaisir à lire, au delà de la triste réalité du quotidien...


Devil wxz6j6 - Eugenol
CGG

19/06/2015 à 18h17

bravo;c est du vecu; tu es tres tres patient,je t admire.par contre t as pas peur qu on te reproche certain mot politiquement incorrecte , style bicophobie ? personnellement tu m as bien fait rire ; beaucoup plus que quand c est un lascar qui fait pareil chez moi!!!


6szjws718sv1jksw54v4mpj3a6cu - Eugenol
vulpi

19/06/2015 à 19h30

Très belle montée en puissance sur 3 jours, chapeau l'artiste.


Totor06

20/06/2015 à 09h01

Encore bravo pour tes écrits !
Et merci de nous en faire profiter.