Cookie Consent byPrivacyPolicies.comPéril jaune - Eugenol

Péril jaune

PAL

23/06/2015 à 13h55


« Boyou, docteû ! »

AAAAHHHHRRGGG !!!!!!!

Enfer ! Je viens de jaillir en pédalant du fond de mon plumard, éjecté de la sous-couette par une méga-décharge adrénalinée ! Je me retrouve assis, hagard, transi, en transpi, haletant sur le paddock !
Allons, Pal, respire, là…. Ce n’était qu’un affreux cauchemar, « elle » n’est pas revenue, « elle » ne reviendra pas….

« Elle », c’est une espèce de viet’, chinetoque ou niakouée, j’en sais rien, une bridée à teint hépatique en tout cas, qui m’a pourri la vie pendant deux ans. Ma moitié, qui regarde trop la téloche, avait bien failli me convaincre que cette face de lune était une psychopathe ayant juré de me rendre maboule. T’inquiète, baybie, lui avais-je répondu d’une voix infra grave de héros amerloque, c’est pas une espèce de Chihuahua à poil raide qui va ébranler un gars de ma trempe !

Faut admettre : depuis Midway, on n’est pas tellement emmerdé par les japs et autres faces de coings. Même agglutinés dans des ruelles sombres et mal famées, ils ne font que se rouler les nems en famille, sans faire de ramdam. Ça schmoute un peu le graillon, mais vaut-y pas mieux voir l’immigrant griller de la poiscaille plutôt que nos bagnoles ?
Au premier abord, la jaunasse m’avait semblé nipponne, ni mauvaise, dans les standards de son ethnie ictéroïde : minus dans son éternel K-Way turquoise, se mouvant à petits pas rapides (elle avait de tous petits petons), oscillant nerveusement de la cafetière, les yeux fendus en trous de chaufferette et le sourire fayot forcé jusqu’aux esgourdes, multipliant courbettes et ricanements comme Septime recevant le sous-préfet au grand restaurant.
Quel est l’os qui t’amène à moi, ô cocasse rizophage ?
- « Eh bé, docteû, yé lé dents yaunes, et ye voudré dé dents yolies. »
Un seul coup d’œil intra buccal, giratoire et circulaire, me permet d’expliciter, sagace, la complexité du chantier à la jaune. Tous les pavés sont à rénover, surtout les pires du milieu : y’a du plombé, y’a du cassé, y’a du dyschromié, y’a du mal planté, bref, pour un sourire californien, va falloir être motivée et lâcher les Napoléon ! Or, apparemment, la sujette n’a pas le yen, vu qu’elle a droit à l’AMG*.

* note pour la bleuzaille : l’aide médicale gratos, ancêtre de la CMU, permettait à l’impécunieux d’obtenir quelques centimes après réunion d’une commission ad hoc, qui, entre deux belotes, considérait vaguement les revenus du gus, le devis et le fond du tiroir-caisse de la sécu.

Or donc, en dépit du sus-précisé, la canivore semble méga motivée par le top du top, posant trois mille questions à la minute sur l’esthétique, le blanchiment, la céramique, les facettes, les inlays. On ne sait jamais, cogité-je en dedans, l’assistée a peut-être un cousin yakusa plein aux as et enclin à faire tomber l’oseille. J’annonce donc, pour la semaine suivante, l’élaboration d’un plan d’attaque en vue de la complète et le devis maouss y afférant. Y a pas de sushi !
Au second rencard, l’obséquieuse commence à me grattouiller légèrement les nerfs superficiels ! Elle m’annonce d’emblée qu’elle a des questions à me poser. Mais bien sûr, vas-y geisha, mais articule, on comprend rien avec ton accent de dindon enrhumé. Et tout y passe : la brosse électrique, le poil dur, le médium et le souple, le fil, le jet, le bain de bouche, le pivot, l’inlay-core, le crochet, le fluor, l’implant, le mercure, l’occluso, le Sadam, le laser. A chaque fois, je vulgarise patiemment, mais l’autre plisse le front, me fixe bouche bée et reste figée comme si l’engrenage de ses trois malheureux neurones coinçait dès le deuxième mot de mon docte exposé. Toi pas compris, fleur de lotus ? Après trente cinq minutes de cours magistral, je la pousse dehors, son devis de cinq pages dans la poche de kimono.
Troisième rembour, même plan de questions en rafales ! Elle sort de sa fouille des articles découpés dans des revues de bonnes femmes et je commence à me demander si elle n’est pas sérieusement attaquée du mou. Tu soutiens une thèse ou quoi ? J’entame une explication en trois mots et au ralenti, mais elle tire une tronche comme si je lui détaillais la physique quantique en patois vendéen ! Allez, stop ! Avant de fondre un fusible, je bouscule la phase communicatoire : quid du devis ? Tu paraphes ou pas ? Yé pa daryan ? Bon ben alors, arrête de nous gonfler avec tes fantasmagories hollywoodiennes !
Après les habituelles quinze secondes de déconnexion, elle me demande un autre devis, partiel cette fois, à présenter à l’AMG. Soit, mais t’es prévenue, faut pas espérer du haut de gamme si on bricole une ratiche par trimestre ! Rebelote, plantage du processeur ! Allez, cherche pas à piger, et tu rappelles quand t’as la subvention !
Durant les dix-huit mois suivants, la nèmophage se radina environ soixante-dix fois, le plus souvent sans prévenir, pour demander nouveaux devis, nouvelles demandes d’ententes préalables ou d’aides sociales, solliciter une réduc et me bombarder de questions techniques. J’avais pourtant essayé de lui faire comprendre qu’elle commençait à me courir sur le beignet banane, mais manifestement, elle captait que dalle !
Un jour, au bout du rouleau (c’était le printemps), j’en pus plus ! Consigne fut donnée de lourder la pénible sans ménagement tant qu’elle ne viendrait pas avec un devis signé et les biftons correspondants. Funeste boulette ! Alors qu’on ne pouvait déjà plus la saquer, elle se décida pour deux cérams sur 45 et 44, type monocouche entrée de gamme fin de série à prix écrasés, teinte de compromis pour passer au milieu des autres, toutes bariolées in utero à coups de cyclines.

Le lendemain d’une pose impec, l’assistante m’informe en plein coup de bourre que la tonkiki vient chinoiser : elle trouve les cérams vertes ! Quoi ? Vertes ??? La garce sort un petit miroir et se balade dans tout le cabinet, cherchant la lumière en s’écartant la commissure ! Écume aux lèvres et raclant le lino du pied droit, je la colle sèchement au fauteuil et je dégaine le teintier : A3, exactement A3 ! T’as d’ la tapenade dans l’œil ou quoi ? Pas plus d’ vert que d ’porc au caramel !! Mais la chiatique congénitale continue à déambuler avec son rétro en marmonnant « Là, c’est vert ! ». Par Fucius ! La fourbe est fermement décidée à me farcir le crabe à ras bord ! Je suis à deux doigts de la foutre ippon à coup d’atémis sur le citron!
Alors, je pousse enfin le cri qui pue : « Takat-kâcé !! »

J’ai jamais réclamé les quinze-cent balles de solde, ni les soixante-dix consultes.





Bagheera tudzjy - Eugenol
bagheerra

23/06/2015 à 14h09

Elle avait du rouge-à-lèvre ? Un rouge pétant fait ressortir le vert.


Dr - Eugenol
JeRis

23/06/2015 à 15h02

.. une de mes préférée :)


pascal79

23/06/2015 à 16h01

pour ceux que la dentisterie peut faire déprimer parfois je conseille les 5 tomes !!


Vw campersurfvan bmnk1q - Eugenol
enlaye

23/06/2015 à 16h31

Ouuuiiiiii , merci ,PAL .
j'aimerais bien etre une mouche pour voir la tete de ceux qui te decouvrent en lisant la chinoise !!!!
je crois que le mien je l'ai offert . y a des trucs , comme ça , qu'on ne peut pas garder rien que pour soi , faut faire tourner :-))))

d'ailleurs si les spé pouvaient envoyer un p'tit pal plutot que des cartes de voeux pipées ......ça mange pal d'pain .