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La meuf à Chico
06/07/2015 à 18h36
Je ne sais pas si c’est spécial à mon cabinoche, mais chaque année on se ramasse une nouvelle vague migratoire. Dans la série, on a eu d’abord un tsunami noraf, puis une marée turquiche, ensuite un rouleau russkov, et maintenant, depuis quelques semaines, c’est une déferlante manouche !
Y a deux piges, on avait vu radiner une jeune foraine ébouriffée, analpha-bêbête et mal fagotée, attestation CMU en pogne, qui voulait qu’on lui retape toute la devanture en haut de gamme. En dépit d’une vulgarisation limpide sur le comment et le combien – car il y avait un méga sus ! - la gourdasse me les avait brisées menues pendant quatre séances. J’étions à deux doigts de me l’allumer, la gitane blonde ! Elle me bombardait de questions à la noix, aussi abracadabrantesques que surérogatoires, le tout agrémenté de réflexions cruchissimes n’appelant de ma part que z’yeux au ciel et soupirs désabusés.
Au moment où j’allais la lourder, elle s’était enfin dite d’acc. Alors j’avais ruminé en mézigue : Gaffe, mon Pal, va pas t’ faire encore dindonner ! Fais z’y parapher le devis en triple exemplaire et exige de la gonzesse qu’elle zingue en fraîche avant même d’y mouler les mognons.
La greluche avait bien tenté vaguement de marchandouiller, mais en fait, ça ne l’avait pas défrisée d’un seul tif de déssaquer une épaisse liasse de biftons en pré opératoire, histoire de me mettre dans les meilleures dispositions mentales. Bref et donc, j’y réhabilite tout le clavier haut par un bridge super michto, et j’entends plus causer de Cosette.
Lorsque soudain, deux ans après, pour qui-pourquoi, voilà t-y pas que tout le campement déboule pour des réhabilitations multiples, diverses et variées. Apparemment, ils m’ont sacrément à la bonne.
C’est d’abord une vague tantine de l’autre qui se pointe. La viocarde n’est pas baisante, et elle est escortée jusque dans la salle d’attente par six boumians mahousses au teint gris ! J’ me suis dit : y sont délicats, les romanos, pour pas encombrer, y z’ont laissé l’ours en bas avec la roulotte ! Assistante, gare à la chourave !
En principe, j’aime pas quand y a plusieurs péquins dans mon atelier. Mais la bohémienne en question a un con joint, Chico le bien prénommé, archétypique Jean du voyage, œil froncé et fine moustache, une vraie gueule de raie ! En plus, il est maillé, le frangin ! La vaca, tu croises ça au coin d’un terrain vague, j’ te garantis que tu chopes les remous ! Alors quand j’appelle la vieille toupie et qu’il se met à groumer d’une voix de parrain enroué : « C’est mieux que j’ viens avec ! », j’entérine du chef.
Nous interrogeons la très forte femme, qui nous apparaît tout aussi finement lettrée que sa nièce :
- « Alors, Madame, auriez-vous quelque tracas de santé à signaler ? »
- « Oooh qu’on en a eu d’ la misère, meussieu ! Et pi qu’on en a encore ! »
- « Elle a tout ! » précise le rempailleur.
- « Tout ? Mais encore ?… »
- « Alors j’ai la diabette… j’ai l’angine de pôtrine…j’ai…euh… »
- « Oui, quoi d’autre ? »
- « J’ai aussi des chassets… »
- « Des quoi ? »
- « Des chassets, vous savez, des p’tits chassets d’ poude. »
- « Aaah, des sa-chets de pou-dre ? »
- « Vooilà ! Y sont pour liquifier l’ sang. »
D’accord ! Motif de la consulte ?
- « J’ voudrais comme ma nièce ! »
Intra-oral, c’est pas choucar. La bouche est sèche, archi sèche, ce que nous confirme la sujette :
- « Y a des fois, meussieu, j’ peux même pas déglutiner ! »
On trouve deux similis bridges bidouillés, paraît-il, en urgence et en Belgique, dix ans plus tôt. Il s’agit d’une version très rare, dite provisoiro- définitive. La technique belge est tout à fait novatrice, c’est du plastoc massif trans-scrouposté directos sur racines divergentes ! Garanti résistant au caranougat ! A moins d’y aller au pied de biche, je ne vois pas comment on peut faire gicler ça. Faudra tronçonner dans la masse. Mais pour refaire du fixe, c’est râpé, trois piliers sur quatre sont vermoulus.
- « M’sieur-dame, comme vous le voyez sur ce cliché pornotomographique – admirez, je zoome - cette racine, celle-ci, ainsi que cette autre, sont complètement bais…sont compromises. Il ne sera donc pas possible de les conserver. »
- « Faut faire comme ma nièce ! »
- « Oui, mais justement, non, on ne pourra pas faire la même chose, car comme vous le voy… »
- « Que des belles dents, que vous y avez arrangées ! »
- « Oui, mais pour vous, c’est différent, il faut trouver une autre solution. »
- « C’est combin, pour faire comme ma nièce ? »
- « Je suis en train de vous expliquer qu’on ne peut p.… »
- « On paye en espèces, nous ! »
- « Ce n’est pas la question. »
- « Dites combin, y a pas d’ problème ! Hein Chico ? »
- « Sûr ! Combin qu’y faut ? Quinze cent mille ? »
- « ??? Pardon ? »
- « Combin ? »
- « Mais combin quoi ?? »
- « Combin pour des belles dents comme ma nièce ? »
Suivant les préceptes d'un grand Maître Yogi, j’inspire profondément du poumon droit, puis du gauche, afin de recouvrer un semblant de sérénité. Car il nous faut lever illico toute ambiguïté. C’est que j’ai ouï dire dans le bas-bourg que ces sauvages ont le surin facile ! S’ils ne bitent pas qu’ils vont larguer le cash pour un râtelier mobile, je crains fort d’être passible de l’ablation à vif des amygdales sud par le gang à Chico. Merci bien, les gars !
« Ecoutez-moi bien, M’sieur-dame », articulé-je distinctement, « je vais vous établir un devis clair et net pour la seule solution possible, et vous réfléchirez… »
« On sait pas lire, nouzôtes. »
« Ah… euh… bon… oui…c’est que… bon… à c’ moment-là… »
« Il a qu’à dire combin !! »
« Je vais vous le dire combin !! Mais je veux d’abord être sûr que vous avez bien pigé que ce sera un dispositif adjoint. Un appareil, quoi, un dentier, un damier, un berlingue, le quetru en plastoc rose qu’on s’arrache du goulot pour le faire trempouiller dans un verre ! »
« Mais ce sera t-y des belles dents ? »
« Ben tiens ! Velu, oui, je veux ! Matez-moi ce modèle, M’sieur-dame, ce sera kif-kif bourricot ! »
« Ah oui, elles sont belles, regarde, Chico. Alors c’est combin, ça ? »
« Et ben…. C’est ça, quinze cent mille ! Euh… d’avance ! »
06/07/2015 à 18h48
"On trouve deux similis bridges bidouillés, paraît-il, en urgence et en Belgique, dix ans plus tôt. Il s’agit d’une version très rare, dite provisoiro- définitive. La technique belge est tout à fait novatrice, c’est du plastoc massif trans-scrouposté directos sur racines divergentes ! Garanti résistant au caranougat ! A moins d’y aller au pied de biche, je ne vois pas comment on peut faire gicler ça. Faudra tronçonner dans la masse. Mais pour refaire du fixe, c’est râpé, trois piliers sur quatre sont vermoulus. "
Excellent. Tout pareil la mienne soignée en belgique également et recommandée par une de ses cousines ! -))))
Sont à la pointe de la dentisterie les belges, mais c'est du one shot ! -))))
06/07/2015 à 19h47
Et pour ceux ou celles qui ne connaissent pas, on a l'excellent site de pal omnidentisteDOTcom, avec un synopsis des aventures de pal, et la non moins intéressante possibilité de commander un , plusieurs ou tous ses bouquins, qui sont beaux en plus!
06/07/2015 à 19h57
"... J’ me suis dit : y sont délicats, les romanos, pour pas encombrer, y z’ont laissé l’ours en bas avec la roulotte !..."
merci pour ce passage :-)))))
06/07/2015 à 23h27
là je dis bravo!!!
du beau verbiage comme on en a rarement ces temps-ci!!
ça change des pleurnichages en tous genres contre la ccam, les cmu's ou les grecs!!!
ET MERCI POUR CE BON MOMENT....
07/07/2015 à 09h43
Les gens du voyage.. de l'affectif fort, capables du meilleur comme du
pire, et loin d'être fainéants.
J'ai toujours été touché par l'intensité de leur amour qui pouvait les faire bosser très très dur juste pour payer les implants de leur belle.
Peu d'entre nous en sont capables.. surtout dans notre monde moderne égoïste.
Evidemment, toujours prêts à chouraver le bourgeois.
Et toujours prêts à protéger l'ami et à t'aider grave.
Faut leur parler direct, simplement, sans détour et avec respect.
Un peu comme fait l'ami PAL dans sa verbe irremplaçable.
07/07/2015 à 10h49
paradoxe écrivait:
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> J'ai toujours été touché par l'intensité de leur amour qui pouvait les faire
> bosser très très dur juste pour payer les implants de leur belle.
> Peu d'entre nous en sont capables.. surtout dans notre monde moderne égoïste.
Bosser dur pour "zinguer en fraiche" les implants de sa belle alors ! parce que question revenus déclarés c'est pas leur fort : ils sont tous à la CMU sans exception. C'est sur l'ami PAL sait leur parler je me méfierais à sa place d'un éventuel retour de baton fiscal bien qu'il ne déclare les espèces contrairement à eux n'est ce pas PAL ? ! -))))